Un sommeil décalé

Capture d’écran 2014-05-04 à 23.15.04Pour la plupart des gens, dormir la nuit paraît évident. Pourtant, pour que le sommeil se cale entre 22 h et 8 h, notre organisme doit répondre à un certain nombre de mécanismes complexes de synchronisation sur notre environnement. Dans certains cas, le sommeil reste normalement structuré, mais décalé, comme si la personne n’obéissait plus aux synchroniseurs externes (lumière, activité physique et sociale).

Parmi les anomalies du rythme veille-sommeil, le syndrome de retard de phase est le plus fréquent (il concerne 10 % des insomnies). Jusqu’à ces dernières années, il touchait essentiellement l’adolescent ou l’adulte jeune, mais, en consultation, on voit de plus en plus de personnes atteintes de ce syndrome et qui sont plus âgées ; souvent, elles vivent seules, sont en arrêt de travail ou à la retraite.

La personne ayant un syndrome de retard de phase du sommeil se plaint de difficultés d’endormissement lorsqu’elle tente de s’imposer un horaire normal de coucher et décrit une extrême difficulté à maintenir un horaire normal de lever. L’endormissement est tardif, au-delà d’une heure du matin, associé à un réveil tardif, parfois en début d’après-midi. Ce syndrome a donc un fort retentissement sur la vie scolaire ou professionnelle. En fait, la personne présente un décalage entre son système circadien et les horaires de sommeil souhaités. En revanche, quand elle est en vacances ou dans des circonstances lui permettant d’être libre avec ses horaires et d’avoir la possibilité de se coucher et de se lever plus tard, elle n’a pas de difficultés pour s’endormir, le maintien du sommeil est correct et elle est en forme le jour suivant. C’est donc la notion même de contrainte vis-à-vis d’un coucher et d’un lever précoce qui entraîne l’expression de ce trouble, avec des conséquences en termes de fonctionnement social, de vitalité ou de retentissement physique.

Les causes sont à la fois comportementales et biologiques. Il s’agit de sujets ayant une constitution de couche-tard/lève-tard et dont l’horloge interne a tendance à ne pas être synchronisée par les synchroniseurs externes. Leur comportement, en particulier leur tendance à entreprendre des activités tard le soir, ne fait que renforcer leurs difficultés. Les émissions de télévision tardives, les jeux sur ordinateur ou sur console, les surfs et chats sur Internet contribuent largement au décalage, d’autant que les activités sur Internet allient une activité favorisant l’éveil à la stimulation due à la lumière délivrée par l’écran de l’ordinateur, ce qui contribue à décaler l’horloge biologique. L’enquête sur le sommeil de l’adolescent de quinze à dix-neuf ans réalisée en février 2005 par la SOFRES-ISV montre combien cette composante comportementale est importante chez les adolescents. Elle nous apprend que 23 % d’entre eux se couchent après 23 h en semaine et 37 % après minuit le week-end, 19 % des jeunes interrogés ne se levant qu’à midi, voire plus tard le week-end.

 Certaines populations sont plus à risque que d’autres : le fait de vivre seul, sans contrainte, en l’absence d’activité professionnelle, d’être malvoyant, d’avoir des troubles de la personnalité associés constituent autant de facteurs favorisant le décalage. Lorsque ce dernier est permanent et que la personne n’arrive vraiment plus à se lever le matin, même pour faire face à des obligations importantes, une dépression est constatée dans les deux tiers des cas.