Une société décalée

Les habitudes de vie changent, les habitudes de sommeil aussi. S’endormir le soir et se réveiller le matin est le propre des animaux diurnes que nous sommes. Pourtant notre société grâce à la technologie  qui progresse exponentiellement modifie les règles du jeu. L’arrivée de l’électricité a permis l’instauration d’un travail continu dans certains secteurs industriels dont le rendement fut fortement amélioré par cette activité 24h sur 24. Le simple fait d’appuyer sur l’interrupteur de la lampe qui éclaire la pièce transforme l’environnement. Du noir hostile, dangereux, la lumière apporte le confort et la maitrise de ce qui est autour de nous.
Quelle différence alors entre le jour et la nuit ? Que ne peut-on faire la nuit  qui impose absolument un break, un repos, certes nécessaire, mais qui peut venir plus tard, à l’aube ou dans la journée. Sur le plan professionnel  la mondialisation impose aux entreprises une présence partout dans le monde. Cadres, consultants, dirigeants,  bougent d’un point  à ’autre de la planète au rythme  des jets lags désynchronisant. Et même lorsqu’on bouge peu, si l’on compare les programmes de télévision proposés actuellement à ceux existant il y a 30 ans on constate que des émissions intéressantes ou des films  touchant un large public commencent à 23h30 alors que c’était l’horaire de la fin des émissions auparavant. Autre révolution, Internet avec ses jeux, ses réseaux, ses chats, ses forums qui propose à toute heure un échange possible avec l’autre. Signe des temps une grande chaine d’hôtel du groupe Accord s’interroge sur la création de chambres aveugles, sans fenêtres mais offrant   un confort hight tech avec  télévision numérique grand écran connexion internet, room service 24h sur 24h pour ceux qui veulent continuer à vivre à leur rythme.
Parallèlement on observe que les adolescents se couchent de plus en plus tard, phénomène qui touche aussi bien le jeune américain, que le japonais, l’australien, ou l’européen,  pays du monde pour lesquels nous avons des études publiées. Phénomène tout à fait nouveau noté par les pédiatres, des syndromes de retard de phase (un endormissement tardif associé à un réveil tardif) se voient maintenant chez des enfants.  Ce décalage des horaires de sommeil particulièrement  vrai les veilles de jour sans école, va de pair avec une perte conséquente du temps de sommeil. Nous avons des chiffres qui objectivent en 30 ans une réduction de 2 à 3 h de sommeil chez l’adolescent. L’étude dièse menée en Ile de France par l’Académie de Paris et la CPAM  montre que les enfants se couchent de plus en plus tard et qu’ils dorment moins. Ainsi plus de 80 % des jeunes interrogés se couchent après 22 heures la veille d’un jour de cours et la moitié d’entre eux (45 % des filles et 55 % des garçons) passent plus de 3 heures par jour devant un écran de télé ou d’ordinateur. Au niveau de la 3e, un quart se couche même après minuit.

Force est de constater que la société se décale, avec des horaires de coucher de plus en plus tardifs , alors que les horaires de lever en période de travail restent sensiblement les mêmes. Conséquence inévitable, une privation de sommeil s’installe insidieusement. Dormir moins n’est pas sans risque sur la santé. Alors que faire ? Décaler l’ensemble des horaires ? S’endormir plus tard et travailler, suivre ses cours, et tout simplement « vivre » plus tard ? Ou au contraire, remettre de l’ordre dans tout ça ! Et recaler tout se petit monde peu à l’écoute de nos rythmes ancestraux. Pas facile de répondre dans le contexte mondial du problème.

Il faudrait trouver des règles de bonne conduite pour répondre aux comportements induits par les nouvelles technologies. Mais elles évoluent parfois si vite qu’il est illusoire de croire qu’on va à la fois comprendre et maitriser les problèmes induits. Le souci est pour nos adolescents. Comment  les conseillers, comment les aider à rester dans des limites acceptables,  eux qui ont tant besoin de savoir jusqu’où ils peuvent aller. A force de ne pas savoir répondre, ces derrières années sont inquiétantes par la dérive observée dans les horaires de sommeil de la  population des adolescents. Ils sont de plus en plus nombreux à venir en consultation, poussés par leurs parents car  ils sont incapables de s’endormir avant 2h ou 3h du matin. S’ils arrivent à se lever le lendemain pour aller au lycée, rester éveillé dans la journée pour suivre les cours est un exploit. Avec les conséquences que l’on imagine, difficultés scolaires, rupture scolaire, puis souvent dépression…

Il est temps de prendre conscience de cette évolution pour décider ensemble des solutions, afin de ne pas se dire dans 10 ans que l’on a négligé toute une part  de notre jeunesse.